- ROLAND (CHANSON DE)
- ROLAND (CHANSON DE)ROLAND CHANSON DE (1100)La supériorité de La Chanson de Roland sur les autres chansons de geste tient d’abord à l’exceptionnelle qualité de sa composition. Autour du drame de Roncevaux, qui culmine avec la mort de Roland, se construit l’histoire d’une trahison. La rivalité de Roland et de Ganelon prépare logiquement le piège où va périr l’arrière-garde des Francs. La seconde partie de la chanson nous raconte la revanche de Charlemagne, et si elle a paru moins nécessaire au lecteur moderne, elle nous permet de comprendre la signification d’une œuvre consacrée à l’idée impériale. On connaît les plus beaux épisodes de ce texte, le défi de Ganelon, le débat de Roland et d’Olivier, Roland sonnant du cor, son effort pour briser son épée Durandal, l’offrande de son gant au Ciel, les descriptions d’armées opposées, le duel de Charlemagne et de Baligant. Le thème de la croisade est illustré clairement, noblement, par la confrontation sans mépris de deux mondes apparemment inconciliables, mais dont les mêmes vertus guerrières s’affirment sur le champ de bataille. L’attention se porte sur le destin de quelques héros qui servent d’exemple et contribuent à l’endoctrinement du public. Roland, brave et généreux, partisan de la guerre à outrance, se laisse entraîner par une sorte de démesure: il rachète son erreur par son sacrifice et sa mort douloureuse. À côté de lui, Olivier fait figure de sage; c’est surtout l’ami, le compagnon au dévouement sans faille. Turpin, l’archevêque de Reims, personnifie la foi militante, la mystique de la croisade. Mais c’est la figure de Charlemagne qui domine tout le poème. Souverain indulgent pour les incartades de ses barons, cherchant anxieusement à prévenir les dangers qui les menace, il met après leur mort toute son énergie à les venger. Dans ce combat, il représente l’Occident menacé par l’Islam; mais il incarne aussi un certain idéal monarchique dont les Français garderont longtemps la nostalgie. La légende épique construite autour de lui a donc transformé en victoire une défaite. Par quel cheminement poétique ou politique est-on parvenu à une telle métamorphose d’un événement historique survenu en 778? On a retrouvé des jalons dans les documents politiques, et le manuscrit d’Oxford n’est pas le seul manuscrit, la Chanson de Roland que nous y trouvons n’est pas le premier poème. Mais il semble que la première croisade ait donné une impulsion décisive au travail de l’imagination. Du poète qui a ainsi composé le meilleur texte il nous est resté un nom, Turoldus. On cherche encore à préciser son rôle dans un ensemble poétique plus vaste.
Encyclopédie Universelle. 2012.